Sciences, doute & industries

Le Cercle Entreprises et Libertés s’est réuni une nouvelle fois le 4 Juin pour débattre sans tabous ni langue de bois sur la science, le doute scientifique, les certitudes de certains et leurs conséquences sur les industries.

Nos quatre invités ont joué le jeu de l’ouverture et présentés leurs visions de l’évolution rapide des sciences et de l’accélération des transformations industrielles.
Marc Fontecave de l’Académie des Sciences, auteur de plusieurs rapports sur l’énergie nous a livré l’opinion de cette grande Institution sur la nécessité de la nuance dans l’appréciation de nos connaissances réelles et sur la légèreté de certaines orientations et surtout des délais pour atteindre des objectifs illusoires. Il a donné comme exemple l’enthousiasme exagéré sur la filière biomasse et la filière hydrogène et donc la nécessité d’investir rapidement et sans arrière-pensées sur le nucléaire pour satisfaire la consommation électrique de nos concitoyens et de notre industrie. Il n’y a pas de « vérité scientifique » à proprement parler, mais il existe des certitudes et beaucoup d’incertitudes avec lesquelles il faut savoir travailler mais il faut revenir à la culture scientifique chez nos contemporains, aux ordres de grandeur et aux études d’impact lorsque des orientations sont prises.
Marc-André Selosse a insisté sur le rôle de vigie du scientifique et donc de la nécessité d’avertir l’ensemble des populations des connaissances désormais accumulées dans la connaissance de la nature. Les milieux naturels sont loin d’être bien connus mais on sait dès maintenant quels sont les dangers d’une mauvaise utilisation de nos richesses naturelles, la population doit en être avertie.
Patrick Errard est revenu sur l’origine de la science comme explication en contradiction avec la croyance et donc d’une vérité venue d’ailleurs (religion en particulier). Il a donc rapproché la philosophie et la science dans leurs rôles respectifs. La période du Covid a été une belle illustration de l’existence de Gourous, d’egos heureux de s’exprimer dans la lumière des télévisions et des scientifiques qui ont tenté d’approcher la connaissance des phénomènes et des solutions proposées, certes imparfaites mais en grande partie efficaces.
Enfin Marc Nassif qui a organisé une installation massive de l’industrie automobile au Maroc après l’anathème porté par la France et l’Europe sur le véhicule thermique nous a montré par des chiffres sur l’emploi, la balance commerciale et le PIB européens comment des décisions émotives, utilisant une base scientifique illusoire pouvaient détruire en quelques années le tiers de l’économie de notre Continent en introduisant la Chine dans notre quotidien à une allure ahurissante. Il faut donc revenir aux études d’impact, aux retours d’expérience et aux réalités scientifiques, techniques ; industrielles et économiques avant de décider en quelques jours d’une orientation nouvelle sur un produit dont nous étions les leaders mondiaux incontestés et dont les progrès vont finir par rencontrer les normes demandées.
On ne peut pas résumer en quelques lignes la profondeur des échanges de nos quatre invités et des questions, commentaires de la salle, passionnée par l’ouverture des pensées et des préconisations des intervenants.
Ces discussions, animées par notre Président Loik Le Floch-Prigent, ont bien mis en lumière la distance entre la science et nos équipes politiques et administratives dirigeantes, et aussi l’ignorance de beaucoup de médias voulant absolument déterminer le bien et le mal dans des réalités bien plus complexes. Il est clair qu’il n’y a pas des solutions uniques aux différents problèmes posés par notre futur , mais un éventail de solutions possibles qui peuvent cohabiter jusqu’au point où l’une apparait comme déterminante . Il y a aussi du progrès à réaliser dans les médias et les scientifiques ont du mal à se faire entendre dans un monde qui aime bien raisonner en noir et blanc et où l’outil du smartphone donne l’illusion d’une connaissance universelle.
La conclusion, provisoire, est sans doute qu’il faut s’appuyer sur une éducation des sciences pour les nouvelles générations beaucoup plus intense et ouverte qu’actuellement pour que nos élites gouvernementales, administratives et médiatiques ne baignent pas dans un méli-mélo de pseudo-sciences et de gourous pour que les décisions prises ne soient pas des catastrophes. Les scientifiques doivent parler plus et la parole retrouvée de l’Académie des Sciences et de l’Académie des Technologies est loin d’être suffisante, celle des industriels est inaudible et le pays ne pourra sortir de l’ornière qu’en consacrant plus de moyens à sa recherche et à son innovation, on a toujours dit qu’il fallait atteindre 3% du PIB, c’est le chiffre des USA et de la Chine, ce n’est plus le notre depuis la disparition du Général de Gaulle .
Espérons que nous arrivions à ne plus entendre sur les décisions prises « la science dit que … » , comme le disait Pierre -Gilles de Gennes après son Prix Nobel : « Les hommes de science n’ont pas à décider ce qui est bon ou mauvais pour leurs contemporains , dans une démocratie la responsabilité des choix qui engagent une société appartient aux citoyens et à leurs élus»
Vous retrouverez ci-joint en quelques photos de cette soirée débat inoubliable
Nous vous donnons rendez-vous le Mardi 10 Septembre au Club 13 pour la 5ème soirée débat du Cercle Entreprises et libertés avec de nouvelles surprises !

Lectures conseillées. Rapports de Marc Fontecave .
Pierre Gilles de Gennes « les Objets fragiles » chez Plon 1994
Patrick Errard Travailler Heureux chez Verone
Marc-André Sélosse Nature et Préjugés chez Actes Sud
Loik Le Floch-Prigent 1997 chez Elytel

Bel été